Dieu tout-puissant, mythe ou réalité ?
Dieu n'arrête pas les guerres. Il ne nourrit pas les affamés. Il n'empêche pas la maladie, ni les tsunamis, ni les accidents, ni, ni, ni...
Au regard du monde d'hier, comme celui d'aujourd'hui, avec ses drames et ses misères, Dieu reste désespérément silencieux. Bref où se cache ce Dieu tout-puissant que nous confessons depuis des siècles dans le credo ? Existe-t-il seulement ? Chacun est en droit de se poser la question tant son silence est criant au regard des maux de ce monde. Il est même scandaleux.
La bible nous révèle un Dieu paradoxal.
- Un Dieu tout-puissant capable de créer l'univers à partir du néant, de rendre une vierge enceinte, de ressusciter les morts et qui reste totalement impuissant face aux maux de ce monde.
- Un Dieu qui guérit miraculeusement quelques privilégiés et laisse gémir d'innombrables malades dans leurs souffrances.
- Un Dieu qui donne la foi à quelques amis et abandonne tant de personnes à leur quête d'infini et de plénitude.
Affirmer que nous disposons de la liberté est une bien pauvre réponse, surtout lorsque la souffrance nous touche injustement dans notre chair.
S'il n'est pas possible d'apporter une réponse définitive à ce questionnement, nous pouvons nous laisser interpeller.
Finalement, qui est Dieu ?
Une question toujours d'actualité !
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Ps 22,1).
Réveille-toi ! Pourquoi dors-tu, Seigneur ? Réveille-toi ! Ne nous repousse pas à jamais ! Pourquoi caches-tu ta face ? Pourquoi oublies-tu notre misère et notre oppression ? (Ps 44,23-24).
Éternel ! Écoute ma voix, je t’invoque : Aie pitié de moi et exauce-moi ! (Ps 27,7).
Ô Dieu ! Prête l’oreille à ma prière, et ne te dérobe pas à mes supplications ! Écoute-moi, et réponds-moi ! J’erre çà et là dans mon chagrin et je m’agite ! (Ps 55,1-2).
Jusqu’à quand, ô Éternel... ? J’ai crié, et tu n’écoutes pas ! J’ai crié vers toi à la violence, et tu ne secours pas ! (Ha 1,2).
Croire en un Dieu désarmé
Combien de temps nous faudra-t-il encore pour nous défaire de cette idole qui est justement la représentation de Dieu sous la forme d’une puissance qui domine et qui peut écraser ? Combien de temps nous faudra-t-il encore pour comprendre que Dieu est désarmé, qu’Il est fragile, que n’importe qui peut Le tuer ! Et c’est nous qui le crucifions sans cesse par nos refus d’amour ! Et qu’il ne cessera jamais pour autant de nous attendre et de nous aimer. Maurice ZUNDEL, Ton visage, ma lumière. 90 sermons inédits, Mame, 2011, p. 132.
Dieu ne peut pas
Mais Dieu, lui s’est tu…. S’il n’est pas intervenu, ce n’est point qu’il ne voulait pas, mais parce qu’il ne le pouvait pas. Je propose… l’idée d’un dieu qui pour un temps – le temps que dure le processus continué du monde - s’est dépouillé de tout pouvoir d’immixtion dans le cours physique des choses de ce monde. Hans JONAS, Le concept de Dieu après Auschwitz, Rivages poche, 1984, p. 38.
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Cette croyance en un Dieu tout-puissant pose bien des difficultés. De multiples questions surgissent sur les soi-disant possibilités infinies de Dieu. Les premières qui viennent spontanément à l’esprit concernent le mystère du mal. Si Dieu est tout-puissant, infiniment bon de surcroît, alors le mal ne doit pas exister. Épicure pose le problème en quatre alternatives : 1 - Dieu veut empêcher le mal et ne le peut, dans ce cas il est impuissant. 2 - Il le peut et ne le veut, dans ce cas il est pervers. 3 - Il ne le peut ni ne le veut, dans ce cas il est impuissant et pervers. 4 - Il le veut et le peut, mais alors pourquoi ne le fait-il pas ? Comment aborder cette redoutable question à laquelle bien des théodicées se sont confrontées ?
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La bible dresse le portrait d’un Dieu dont le savoir dépasse infiniment celui de l’homme. Il sait tout, il connaît tout. Cette omniscience pose de multiples questions. À quoi bon la prière puisque Dieu la connaît par avance ? Dieu s’immisce-t-il dans notre conscience au point de scruter la moindre parcelle de notre intimité ? Connaît-il notre destinée ? Si Dieu entrevoit les événements à venir, cela ne suppose-t-il pas que notre destin est fixé par avance dans des décrets immuables ?
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Le miracle relève de la rencontre du divin et de l’humain dans des circonstances mystérieuses pour lesquelles toute velléité de démonstration rationnelle est dépassée. Comme dans un amour entre deux êtres, le mystère transcende la raison et aucune explication ne viendra jamais l’épuiser. Dans le miracle s’entrecroisent l’humain et le divin, le psychologique et le spirituel, sans qu’il soit possible de démêler l’un de l’autre. Dieu se donne avec le consentement de notre corps.
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À lire la bible page après page, nous constatons que Dieu ne s’y prend pas trop mal pour essayer de conquérir l’humanité. Il pourrait parler le langage des dieux, parfait, sans équivoque et dont la vérité ne saurait être mise en cause. Eh bien non ! Dieu parle comme un homme, pas toujours très habile dans ses propos, parfois autoritaire, mais cherchant néanmoins à donner le meilleur de lui-même. C’est d’ailleurs ce que font tous les amoureux à la conquête d’un partenaire.
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Jésus, osons le dire, est un révolutionnaire. Il ne nous propose ni plus ni moins à le suivre, jusque sur la croix. Pure folie ! Allez donc suivre un homme qui vous demande de tendre la joue gauche lorsque quelqu’un vous frappe sur la joue droite, ou encore de donner sa tunique lorsque quelqu’un vole votre manteau, ou enfin d’aimer ses ennemis (Lc 6,20-38). Il faut déjà avoir de sacrés arguments. Avec un tel programme, il n’est pas certain que Jésus ait un franc succès électoral.
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En regardant la croix, nous découvrons un Dieu déconcertant. Dieu ne s’impose pas, il ne change pas le cours de l’histoire en utilisant sa puissance, mais il lui donne un sens inattendu. Nous y voyons un roi affublé d’une couronne d’épines, un fils en prière face à son père ; Dieu le Fils qui prie Dieu le Père. N’est-il pas paradoxal de voir Dieu en prière?
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Ce n’est pas seulement l’image d’un Dieu de gloire omnipotent qui meurt à Auschwitz ; c’est aussi l’idée d’un Dieu permissif qui s’écroule. Avec ce drame, nous ne pouvons plus croire que Dieu soit simplement resté dans le ciel, les bras croisés en nous laissant une autonomie jusque dans cette permission de l’ignominie. Dieu ne permet pas le mal. Il ne l’autorise pas. Que serait un tel Dieu de la permissivité qui abandonnerait ses enfants à d’atroces souffrances alors qu’il aurait le pouvoir d’intervenir ?
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L’efficacité de la prière est à chercher ailleurs que dans la satisfaction immédiate de nos manques. Dieu nous « ex-hausse », bien plus qu’il ne nous exauce. Il nous élève, nous transforme de l’intérieur et nous met en route pour que nous changions le monde. Sa puissance est une grâce qui opère de l’intérieur, en nous et non pas sur nous. Elle nous pousse en avant comme un vent dans les voiles. Elle nous donne la force de déplacer les montagnes.
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Notre vulnérabilité est liée à notre humanité, à cette condition charnelle qui nous offre des instants de jouissance et de souffrance. Qu’en est-il pour Dieu ? Est-il vulnérable ? Si nous le qualifions d’invulnérable, alors il est un être insensible, protégé par une armure et incapable d’être touché dans sa divinité. Même si l’infini de Dieu ne saurait être altéré par la finitude de nos souffrances, Dieu n’en demeure pas moins compatissant à notre égard. Sinon il ne serait qu’une mécanique programmée pour réaliser un plan sans alternative aucune. Il ne serait qu’un faisceau de lumière traversant notre espace temps. Or l’histoire biblique montre que Dieu s’adapte aux circonstances, comme s’il tirait les leçons d’une réponse humaine.
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La rencontre du Dieu amour réclame une relation concrète, sinon les mots restent vides de sens. Toutes les descriptions du monde, toutes les théories philosophiques et théologiques, toutes les démonstrations scientifiques ne remplaceront jamais un « je t’aime » audible et tangible. Ces trois petits mots contiennent paradoxalement tout l’infini, comme un symbole qui n’en finit pas de déployer sa puissance. Ils résonnent comme un amour divin.